École

Notre histoire

Créée en 1958, l’Ecole nationale de la magistrature est l’unique école de formation des magistrats de l’ordre judiciaire français. Elle joue un rôle de trait d’union entre savoir-faire et savoir-être, entre les magistrats et les acteurs de la justice et du droit, entre les pratiques de la justice et la compréhension de la société. Dénommée à sa création « Centre national d'études judiciaires », elle prend son nom actuel d’ENM en 1970

GENÈSE DE L'ÉCOLE

Vision étroite d'une fonction inadaptée à la société


« Pendant longtemps, la mission de magistrat s'est trouvée limitée à maintenir les propriétés, à ordonner l'exécution des contrats, à servir d'appui aux mineurs, à accorder la justice la plus prompte possible sans pourtant y mettre une célérité imprudente ». C'est ainsi que Merlin de Douai, premier président de la Cour de Cassation sous le Premier Empire, décrivait la fonction de juge civil. Il n'avait pas une définition plus glorieuse de la fonction du juge pénal. Selon lui, il prononçait des condamnations et inspectait les prisons pour s'assurer qu'aucun prisonnier n'était détenu au-delà du temps fixé par la sentence. Cette image du magistrat coupé des évolutions de la société, en proie à des litiges ayant trait à des innovations industrielles dont il ne maîtrise pas les tenants et les aboutissants, incapable de s'adapter aux nouvelles demandes de la société en matière de justice va perdurer tout au long du XIXe siècle et jusqu'au début du XXe. On a jusqu'alors reproché aux magistrats de ne pouvoir tenir compte des règles régissant l'aviation, la production et la distribution des énergies ou encore la complexification grandissante des tarifs des sociétés de chemins de fer.


Crise des vocations, réflexions sur la formation


En 1931, le président de la cour d'appel de Paris résume dans son discours de rentrée le désarroi partagé par nombre de ses collègues face à la complexité grandissante de la société. Complexité qui rejaillit de fait sur la législation, face à laquelle les magistrats se sentent complètement désemparés. La question récurrente de la formation des magistrats, dont le recrutement était assuré depuis 1908 par la passation d'un examen bien peu exigeant, se cristallisa à cette époque après avoir divisé le corps judiciaire pendant plus d'un siècle. Pour faire face aux multiples défis imposés par les temps modernes, la question de la création d'une formation solide grâce à une école se pose progressivement à la magistrature. D'abord sous le régime de Vichy, puis à la Libération. En 1945, la création de l'École nationale d'administration (renommée depuis Institut national du service public - INSP) et le succès immédiat remporté par celle-ci, achève d'assurer les partisans de la création d'une école de formation des magistrats et du bien-fondé de leur requête. Malgré cela, les différents gouvernements qui se succèdent pendant treize ans restent sourds aux revendications du corps de la magistrature. Manque de volonté politique ferme, ressources financières insuffisantes, incapacité à penser une formation commune pour un corps éclaté entre ses différentes spécialités (instance, cantonal, outre-mer, etc) ; les raisons ne manquent pas pour expliquer l'absence de la création d'une école sous la IVe République. Le problème devient cependant bien plus concret à la fin des années 1950 face aux vagues massives de départs à la retraite. Rapportés à la faiblesse du nombre de vocations que la magistrature suscite, ces nombreux départs allaient bientôt compromettre le bon fonctionnement de la machine judiciaire.


1958, vers un nouvel âge d'or de la magistrature


La création d'une école prestigieuse de formation des magistrats s'impose donc à l'aube de la Ve République comme le seul moyen de stimuler l'intérêt de la jeunesse des facultés de droit pour la carrière judiciaire. Si la décision de Charles de Gaulle et Michel Debré de créer un centre de formation des futurs magistrats apparaît comme un moyen efficace d'enrayer la crise des vocations, il n'en reste pas moins que la création du Centre national d'études judiciaires (CNEJ) en 1958 ne rencontre pas immédiatement le succès escompté. La Chancellerie diligente alors des enquêtes d'opinion dont les résultats sont sans équivoque : la magistrature souffre d'une mauvaise image véhiculant la représentation d'un métier guindé, poussiéreux, archaïque, coupé du monde et de la société, à l'heure où la soif de modernité est omniprésente dans la société française. Il devient alors évident que toutes les réformes structurelles seraient vaines tant que la profession serait ternie par ces préjugés. Ce n'est donc qu'au terme d'une intense campagne médiatique, destinée à promouvoir la magistrature sous tous ses aspects, et surtout les plus innovants (création du juge des tutelles, du juge des enfants, etc) que la Chancellerie parvient à inverser la tendance. Dans cette bataille de l'image, la décision de transformer le nom du CNEJ en 1970 n'est ni innocente, ni anecdotique. Devenue par le jeu des appellations et des sigles le pendant de la célèbre ENA, la nouvelle dénomination École nationale de la magistrature (ENM) vient combler le goût avéré de la société française pour le prestige des grandes écoles, achevant ainsi un long et ardu processus de transformation du corps de la magistrature.
 

HISTOIRE DES SITES BORDELAIS ET PARISIENS

L’ ENM à Bordeaux


D’abord logé dans les locaux du ministère de la Justice place Vendôme à Paris, le CNEJ fut rapidement installé dans un hôtel particulier dans le 16e arrondissement. En 1960, la décision fut prise de transférer l’établissement à Bordeaux. Jacques Chaban-Delmas, alors maire de Bordeaux, député de la 2 e circonscription de la Gironde, et président de l’Assemblée nationale, joua un rôle important dans cette décision. Ce projet rejoignait la volonté gouvernementale de décentralisation des grands établissements publics, notamment ceux d’enseignement supérieur. 


Afin d’assurer l’accueil de la première promotion d’élève magistrat en 1960, le CNEJ fut installé à Bordeaux de façon provisoire dans le quartier des Chartrons. Mais devenu rapidement trop petit, la décision fut prise de construire un nouveau bâtiment « emblématique » en capacité d’accueillir les élèves magistrats et les personnels de l’Ecole. Le projet fut alors confié à l'architecte français Guillaume Gillet (grand prix de Rome et membre de l'Institut) qui définissait ainsi le modèle de cet établissement d’un genre nouveau « une sorte d’académie socratique où, par équipes de 10 à 12, sous la direction de maîtres de conférences, des études, livres en main, sont conduites quotidiennement en petit comité, et quotidiennement menées des conversations d’un groupe à l’autre, d’un élève à l’autre ». 


Inaugurée le 12 décembre 1972 au cœur de l’ilot judiciaire composé par le tribunal de grande instance et la cour d’appel, l’œuvre architecturale met en valeur les deux tours situées sur le site de l'École, vestiges du fort du Hâ datant de 1453. Grâce à une cour intérieure et une promenade couverte qui constitue la partie centrale, il a ainsi créé une courbe autour de la tour des Minimes devenue le point de mire, tenant la même position que le juge dans un tribunal, qui occupe, selon Robert Badinter « une position centrale autour de laquelle tout s’ordonne, comme le débat judiciaire qu’il conduit ». La tour est ainsi le centre à la fois physique et symbolique de l’ENM.


Espace majeur de l’école, la salle des pas perdus permet par ailleurs la liaison entre les différentes parties de l’Ecole; elle est aussi un lieu de rencontres, d’échanges, de débats, à l’instar de la salle des pas perdus d’un palais de justice. Dans sa forme circulaire, elle est l’espace de déambulation et de discussion de « l’académie socratique » voulue par Gillet. Sa voûte s'incurve progressivement, en appui sur 35 piliers de béton effilés qui ponctuent et soutiennent les baies vitrées, donnant à l'ensemble une impression d'espace lumineux et élégant. La lumière y joue un rôle important car les ombres portées par les saillies des piliers donnent un subtil effet de perspective relayé par la blancheur du sol en carrelage de Comblanchien, et dont le décor est découpé par un sinueux revêtement noir qui forme un chemin tout le long du grand hall. Les façades extérieures, également en verre et aluminium offrent un relief découpé tant sur la rue du Maréchal Joffre que du côté de la cour d'appel où la toiture se déforme en arches successives. Le bassin, au centre de la cour intérieure, reflète à la fois le bâtiment de Guillaume Gillet et la tour des Minimes qui a d'ailleurs donné son exacte circonférence à celle du bassin.


En 1992, en concomitance avec la construction du nouveau tribunal judiciaire, l’architecte anglais Richard Rogers, proposa deux extensions prenant chacune place à une des extrémités des ailes de l’école. La modification la plus radicale est la construction d’une 3e tour de base carrée, offrant un pendant contemporain aux deux tours historiques du fort du Hâ, la tour des Minimes (base circulaire) et à la tour des Anglais (en fer à cheval). 

Les bâtiments de l’école sont distingués depuis le 25 septembre 2008 par le label Patrimoine du XXe siècle, attribué par la DRAC d'Aquitaine.


Notice historique sur le château du Hâ (Nicolas Faucherre - Chargé de recherche au Musée des plans-reliefs des Invalides - Historien de la fortification) 
Notice historique sur l'ENM et le fort du Hâ (Michel Allaix- Directeur adjoint de l'ENM - juin 2006) 


ENM à Paris


L'antenne de l'École nationale de la magistrature se situe sur l'île de la Cité, dans le 4e arrondissement de Paris. Le bâtiment donne façade à la fois sur le quai aux Fleurs du 19e siècle, côté Seine, et côté cathédrale Notre-Dame, sur la rue Chanoinesse. Cette dernière se nomme ainsi car de nombreux chanoines appartenant au Cloître Notre-Dame l'habitaient jadis. Le bâtiment rouge brique de l'ENM qui donne sur cette rue date de 1853. Il est construit dans un style presque romantique, avec ses typiques lucarnes françaises et les détails légèrement moyenâgeux de sa façade ponctuée de décors polychromes. Il a été occupé jusqu'en 1868 par l'état-major des pompiers.